The Spectacular Now (James Ponsoldt)

Difficile de trouver des mots suffisamment justes pour un tel film... Vous êtes prévenus. Dix mille trucs me passent par la tête, des sentiments vont et viennent, tout est chamboulé, c'est le bordel, c'est trop bien... Ça commence pourtant doucement, selon un canevas assez classique...

Le mec cool (Miles Teller) du lycée, sa vie géniale, sa copine parfaite (Brie Larson). Il boit pas mal, je vous l'accorde, mais il est drôle et gentil. Tout le monde l'adore, même les jeunes qu'il ne connaît pas. Et, malgré son physique assez ingrat, son côté social hyper développé fait de lui une des grandes stars du lycée. Ça, c'est (presque) classique. Et, même quand sa meuf en a assez et se casse pour un mec plus confidentiel, plus organisé et davantage mature, on reste en terrain connu. On ne le plaint pas (encore), c'est trop tôt, surtout qu'il semble pouvoir rebondir sans problème, il est cool après tout, non?

Allez, fin du suspense : on ne s'est pas trompé puisque, très vite, il fait la rencontre d'Aimee Finicky (Shailene Woodley), une première de la classe, un peu timide, un peu geek, un peu out. Une deuxième phase qui, elle non plus, n'est pas vraiment une surprise : calculateur, j'imagine déjà la suite, hein : la fausse moche et coincée va lui ouvrir les yeux sur la vraie vie, les sentiments, tout ça...

Et pourtant, à partir de là, le film prend une tout autre dimension, il décolle, il se démarque largement.

Mais, même si on commence à flairer le truc, même si on se dit tout doucement qu'il y a un vrai regard, authentique, une ambiance, une réelle délicatesse, on reste toutefois prudent et on continue de suivre avec simplicité et un léger détachement leurs débuts "amoureux". On se demande s'il y a de l'amour des deux côtés, si c'est sincère, si les sentiments ne sont pas un peu surévalués et liés à un contexte de solitude.

Bref, on se pose ce genre de questions, puis de moins en moins, puis plus du tout. Naturellement, on s'éloigne du côté superficiel et terre-à-terre de ce genre d'approche. On est déjà dans l'empathie, on est avec eux, on vit le truc.

La suite est toujours aussi agréable. Ils ont quelques points en commun (pas de père, une mère qui paie cher cette absence), ils peuvent beaucoup s'apporter l'un l'autre, ils se complètent. On voit aussi que leur relation s'intensifie, qu'ils se connaissent de mieux en mieux. C'est une vraie rencontre, toujours sincère du côté d'Aimee (c'est son premier, elle prend tout, accepte tout, pardonne tout, elle est flattée, c'est une éponge...), presque toujours pour lui (il se cherche vraiment et à plein de niveaux).

Mais ce film, dont la première partie du cheminement est assez attendue, ne se limite pas à ce récit...

Un cadeau symptomatique...

The Spectacular now va effectivement encore plus loin, c'est un puits d'émotions et de sensations. Pour cela, il peut s'appuyer sur des comédiens de talent, et notamment Shailene Woodley et Miles Teller, tous les deux bluffants de sincérité.
Par ailleurs, il y a ce sentiment de fragilité, là, en permanence. On est angoissé.... et on commence à avoir peur pour lui : qu'est-ce qu'il couve? Pourquoi tout cet alcool? Pourquoi ce besoin maladif d'être dans le présent et de rendre celui-ci si spectaculaire et jouissif? Pourquoi est-il si doux, dévoué et gentil avec les autres? Pourquoi les aime-t-il tant? Je n'en dis pas plus mais ce qui est certain, c'est que le film réussit à aborder ces angoisses de spectateur (plus que ces questions, en fait) avec classe et talent.

Quelques scènes fortes autour du père absent (Kyle Chandler, juste et admirable) touchent là où ça fait mal et ouvrent un tas de portes. Les questions de transmission, de manque. Mais aussi le difficile passage à l'âge adulte (qui n'aura rarement eu autant de sens que dans ce film), sa cruauté, ses conséquences. Tout cela est traité avec finesse, empathie, pas mal de pudeur, et surtout beaucoup mieux que je ne saurais l'écrire. Il y a une vraie authenticité dans ce film. C'est fort. Ça reste.

PS : on retrouve le "Bubbles" de The Wire en prof de maths ;)