dimanche 2 février 2014

12 Years a Slave (Steve McQueen (II))

Milieu du 19ème siècle. Solomon Northup (Chiwetel Ejiofor) est un Noir américain privilégié. Il est éduqué, a une famille, un travail. Il est libre et heureux. Il est loin du Sud, tout va bien.
Un jour, alors qu'il est à Washington pour un concert (il est violoniste), il est enlevé par deux hommes et remis à un négrier. Le calvaire sudiste de Platt (son nom d’esclave) durera douze ans.
Steve McQueen n'est pas pudique, ni timide. Certains passages sont très durs voire insupportables. Les scènes de flagellation de la Passion du Christ (qui, elles, firent scandale) n'allaient, au fond, pas beaucoup plus loin.. Les Noirs que Steve McQueen nous montre sont fouettés, maltraités, martyrisés. Ils souffrent physiquement. Et moralement, la plupart semblent sous anesthésie... Ils n'ont plus rien. Il ne leur reste que le travail forcé, le Gospel et, pour les plus chanceux, un semblant d'espoir : Dieu punira ces fous, il les punira tous, l'heure viendra... Il ne peut en être autrement. Un espoir en réalité bien éphémère...

Le film, très chargé en émotion et extrêmement puissant dans son propos, décrit très bien ce basculement, ce "lâcher prise", ce renoncement. L'idée originale de suivre le parcours d'un Noir qui, en quelque sorte, aura été des deux côtés, est très sensée et sert très bien le récit. Contrairement à ses semblables (peut-être légèrement conditionnés), lui met, en effet, beaucoup plus de temps à renoncer. L'espoir est là, coriace, il s'y accroche de toutes ses forces. Il s'agit là d'un vrai combat, d'une force et d'une beauté inouïes à l'écran. C'est un film essentiel, de ceux qu'il faut voir de ses propres yeux.

Les Blancs sont presque tous très méchants, les Noirs sont presque tous très gentils, c'est vrai. Deux "presque" pourtant très importants. Steeve McQueen, en effet, très sensiblement et avec beaucoup de finesse, a su rester sobre, intelligent et nuancé. Certains "maîtres" paraissent plus ouverts, plus soumis à un système bien ancré qu'autre chose. Les collabos de l'époque peut-être. Les autres Blancs (les vrais méchants) semblent fous, inhumains. Oui, mais... Car, clairement, on ne dévie pas à ce point juste comme ça. C'est un processus, ça ne va pas de soi. Ils boivent tous, cherchent partout du soutien, des excuses, du fondement. La Bible, de ce côté là, leur permet de mieux dormir, c'est un fait.. L'alcool, de son côté, les maintient dans un état second, leur procure ce détachement qui les autorise certainement à continuer. Quant aux Noirs, pour la grande majorité, ils tentent de survivre. Et, pour cela, ils doivent rester gentils, calmes, discrets, dociles. Ils doivent être lâches. La peur de mourir, toujours. Les seuls rebelles (les courageux, les fiers, les impatients) finissent par mourir. Ce qui est peut-être une victoire en soi. On peut en discuter en tout cas. Et, pour les rares qui s'en sortent (notre héros par exemple), la solidarité de principe s'évapore. C'est chacun pour soi.

C'est un film à voir et à faire découvrir. Quelques scènes, grâce à leur justesse et leur puissance, resteront gravées dans ma mémoire. Je pense notamment à cette discussion entre Solomon et un ex-intendant qui a sombré dans l'alcoolisme. Je repense aussi à cette séance de chant à laquelle Solomon finira par participer. Comme un symbole de sa renonciation. Un moment extraordinaire. Et cette pendaison..... Incroyable.
Chiwetel Ejiofor m'aura beaucoup ému. Toujours juste, souvent profond, il n'est pas dénué de charisme non plus. Un bon choix. Fassbender, plein de contradictions et dont le rôle est beaucoup plus subtil qu'il n'y paraît, propose également une belle prestation. Un homme pathétique, très malheureux, alcoolique.
Et je ne saurais terminer sans souligner le talent certain avec lequel Steve McQueen nous raconte cette histoire (vraie). La mise en scène fine. La musique. La beauté des plans. La force du propos. Un film extraordinaire.

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