dimanche 2 mars 2014

Un Été à Osage County (John Wells)

Une euphorie...éphémère.
Pas mal de choses à dire. Bonnes mais aussi moins bonnes. D'abord, pour être clair, il s'agit d'un film solide, efficace, assez finement taillé et plutôt bien interprété. C'est écrit, carré.
Dit comme ça, ça fait un peu machine à Oscars. Mais ce serait mal le résumer. On fait face en effet à pas mal de profondeur. Au-delà d'un simple format. Le truc, c'est que c'est bien fait. C'est sérieux. Un Monde sérieux au sein duquel la belle Julia Roberts fait un tout aussi beau retour. Un premier bon point. Elle est revenue pour interpréter Barbara, une des trois filles de Beverly (Sam Shepard) et Violet (Meryl Streep), un couple usé. Très usé. Bouffé de l'intérieur. Il est poète. Il boit pas mal et depuis longtemps. Il est connu pour ça. Elle souffre d'un douloureux cancer de la bouche. Elle souffre et le fait payer au premier venu. Elle semble avoir toujours été comme ça. Mauvaise. Les cachets et autres drogues aidant, elle s'est débarrassée de quelques barrières inutiles. Désormais, elle blesse pour blesser. Elle parle comme elle pense. Et c'est pas Maminours. Elle est dure.
Quand le père se suicide, les trois filles rappliquent, pleines de bonne volonté. Elles se retrouvent. Elles sont très différentes. Il faut aider Maman. Elle ne va pas les aider...

Le film est tiré d'une pièce de théâtre à succès et ça se voit. C'est un film d'intérieur. Les plans sont plutôt fixes et les scènes sont, de manière générale, assez longues.
La scène du repas, premier grand déballage, est une réussite. On rit jaune et beaucoup. On est gêné. Le ton monte progressivement, jusqu'à l'agression, qui semblait inévitable. De loin, la meilleure scène. Parce que chacun y avait plus ou moins sa place. Parce que Violet y trouve à qui parler (un peu). Parce qu'elle se fait enfin bouger.

Une autre bonne scène, juste avant, quand Barbara fait la route avec une de ses sœurs, Karen (Juliette Lewis), peut-être la moins futée et la plus dépendante. Celle-ci passera le trajet à expliquer et donner du sens à ses actes (elle enchaîne les mecs, court après l'argent facile, a peur de l'abandon). Elle se justifie. Sa maladresse et sa naïveté sonnent juste. Drôle mais pas vide. Pathétique mais authentique. Juliette Lewis est parfaite. Un bon choix. Karen, un personnage peut-être moins développé que celui de Barbara alors que passionnant et plus que dans l'air du temps. Une femme prête à tout pour ne pas être seule. Même à fermer les yeux sur de vraies saloperies (son mec est surpris en train de peloter sa nièce de 14 ans) ou à surcoter le lien fraternel.
Et puis, il y a la scène finale de déballage où les derniers comptes sont soldés. Violet vide définitivement son sac. Barbara écoute, avale puis digère aussi vite. Dans ce passage, Meryl Streep est absolument magistrale. Elle est plus sobre, plus directe, elle veut marquer des points. Alternant agressivité et victimisation. Le texte, de qualité, est à son service. On pense au dernier volet de la trilogie de Julie Delpy et Ethan Hawke. On pense aussi à Another Happy Day. Ça peut rappeler Festen. Il y a de la sincérité, de la recherche. Les problèmes d'adultes sont listés, avec agressivité. La vieille aigrie se soulage : les secrets et leur intériorisation, le sacrifice, l'ingratitude des enfants, leur égoïsme aussi. Une fois grands et éduqués, ils se tirent, et sans regret. Une maison vide, pleine de nostalgie, les secrets et rancœurs qui en profitent pour refaire surface. L'usure, tout ça. Une version extrême et particulièrement sale mais loin du hors-sujet. Barbara est belle mais Violet "made a point". Pas sur la forme, c'est sûr. Sur le fond, par contre... Avoir des enfants, "en vrai", c'est un calcul. Un calcul risqué. Un pari. On espère l'amour. On pense l'avoir créé de fait. Le concept de famille. Les louanges faites au "vivre ensemble". Ses vertus supposées. Pas gagné en réalité.

Juste quelques nuances pour terminer. D'abord, Meryl Streep, qui en fait peut-être un peu trop et qui peut agacer. Ça lui coûtera sûrement l'Oscar. Ses monologues ne sont pas toujours agréables. Son accent du Sud pique un peu. On accroche davantage lorsqu'elle est dans la confrontation, quand on lui répond. Là, elle redevient crédible, humaine. Elle parle moins et agit plus. Elle sort de sa bulle. Son cynisme exacerbé s'évapore un peu. Elle devient pragmatique et la plus grande des victimes. Un bon moyen de se remettre en selle, et au centre.
La vraie critique, au fond, est la durée de vie d'un tel film, à mes yeux peut-être un peu trop carré. On s'intéresse beaucoup à leurs histoires et réflexions. Mais on cherche un peu l'émotion. On attend d'être vraiment touché. En vain. Un petit quelque chose que Sam Shepard aurait peut-être pu apporter. Il m'aura manqué tout le film.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire