mardi 15 avril 2014

Avant l'Hiver (Philippe Claudel)

Un couple solide, riche et envié. Ils sont beaux, ils ont tout. Leur grande maison, en pleine nature, en est le parfait symbole. Les amis sont là, le fils aussi, il fait beau. Lui, le patriarche, le chirurgien reconnu, ouvre les bouteilles de bon vin. Elle, femme dévouée, finit de tailler les rosiers. Ils sont aimés. Tout est parfait.
Et puis, le grain de sable.

Une serveuse (Leïla Bekhti), belle et jeune, qui se présente comme une ancienne patiente. "Vous étiez gentil". Il ne se souvient pas d'elle mais semble la croire sur parole. Il en a vu tellement.
Une rencontre troublante mais assez vite oubliée. On continue. Puis, il y a les roses. Rouges. Il en reçoit à l'hôpital, au cabinet, chez lui. Les roses rouges sont partout. Qui les envoie? Pourquoi? La serveuse? Que veut-elle? On ne sait pas. Ce que l'on sait, c'est qu'elle est partout : à l'opéra, dans la rue, chez l'ami et collègue psy (Richard Berry). Il la croise sans arrêt, et le mystère grandit. Comme dans Caché de Haneke. Un peu flippant.


Cette rencontre, dont les conditions restent très mystérieuses, intrigue notre homme (Daniel Auteuil). Pire : elle le réveille. Ses repères vacillent, sa vie tranquille aussi. Le simple fait de la connaître le stimule. Il faut le voir à l'opéra : il ne suit pas, il rêvasse, il est curieux. Il se sent vivant. Ça faisait longtemps, ça lui manquait. Il en avait besoin. Petit à petit, on découvre ses frustrations et les contours d'une vie par défaut, quelque peu subie. Ce réveil lui plaît mais agace son monde. Sa femme d'abord, Lucie (Kristin Scott Thomas), qui flaire la liaison, évidemment. Elle s'inquiète, ne reconnaît plus celui pour lequel elle a tout lâché. Il la délaisse, forcément. Elle le vit comme une injustice, comme un manque de reconnaissance. On l'imagine aisément penser en ces termes : "J'ai tout lâché pour lui, pour cette vie; et lui, que fait-il? Il me trompe?" Elle se sent lésée et se braque.
Son meilleur ami ensuite, qui n'est pas qu'un simple spectateur désintéressé. Il a toujours aimé Lucie mais, bon joueur, avait dû s'effacer. Ce n'était pas le préféré de toute façon. Une frustration malgré tout. La brèche est ouverte. Peut-être l'occasion de sa vie. Une vie à moitié vide, ratée.

Le réalisateur, au fond, nous trimballe. On accroche grâce à l'ambiance posée du film. La rencontre relance le rythme et notre intérêt. Mais la suite est encore plus intéressante, plus profonde. Cette belle famille montre son vrai visage, celui que la triple couche de vernis couleur saumon dissimulait si bien. Les frustrations, les concessions, les choix de vie, les coups bas, tout cela remonte avec élan... Un bon film bien interprété.

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