vendredi 25 avril 2014

Snowpiercer (Joon-ho Bong)

Je me souviens avoir fait la grimace en découvrant l'affiche du film dans le métro. J'ai en effet tout de suite pensé à un blockbuster hivernal fadasse, et bourré d'effets spéciaux. Pourtant, j'imagine qu'un simple coup d’œil jeté sur ce casting "trois étoiles" aurait suffi à me rassurer.



2014 : année de retour à l'ère glacière. Heureusement, un visionnaire a pensé à construire un joli train, histoire de patienter tranquillement jusqu'au prochain réchauffement. Une arche de Noé du futur. Loin de l'élan solidaire ou d'un nouveau départ providentiel (les passagers du train sont les seuls survivants), les classes de chacun ont été respectées. Les crevards sont parqués au fond du train et tentent de survivre, quitte à se bouffer entre eux alors que les riches, bien au chaud, vivent leur petite vie tranquille, presque comme avant : école, enfants, sorties, culture, bonne bouffe, drogue. Les écarts sont évidemment énormes : tandis que les crados du fond tentent de ne pas rendre en mangeant leur gelée à base d'insectes, les VIP dégustent de bons sushis "faits maison" (forcément). Le proprio vote sans doute à droite. Il n'a fait que miniaturiser et simplifier ce qui existait déjà. De fait, il a même accentué les choses. Aucune nuance n'est autorisée. Les gens ne se mélangent pas. Le rêve américain, c'est fini, ou peut-être juste remis à plus tard, quand la météo aura tourné, on ne sait pas. Ce qui est certain, c'est que chaque porte reste soigneusement gardée, question de tranquillité publique.





Le film commence fort, chez les "queutards" donc. Ils fomentent une énième révolution. L'idée? Remonter les wagons un par un et trouver un levier pour se faire entendre. L'eau peut-être... On verra sur place. On improvisera. Une organisation assez approximative mais ces morts de faim ont l'avantage du nombre et comptent bien en profiter. 


C'est prenant et inventif.

Prenant car, pendant deux heures, on suit ces pouilleux avec attention. On les soutient. C'est sanglant. Ils se battent pour survivre. On est avec eux, juste à côté, sous tension. Et, à ce titre, chaque anecdote contée lors du périple par l'un ou l'autre rebelle fait office de coup de poignard (le cannibalisme, par exemple). C'est glauque mais toujours crédible. C'est la guerre, tout est permis. Tout ce qui compte, c'est la cause. La liberté. Les coups bas et trahisons sont nombreux. Très vite, il est même question d'une taupe. C'est la loi de la jungle.
Puis, parallèlement et discrètement, on pense à ces pauvres que l'on connaît qui, du jour au lendemain, deviennent riches mais qui ne peuvent s'empêcher de flamber et tout claquer en quelques mois. Du coup, on s'interroge : une rébellion oui, mais après? On pense à la suite. Bref, pour faire simple, on se demande vraiment si les occupants du wagon discount ont les épaules suffisamment solides pour diriger. Les adaptations mentales, toujours.




C'est inventif aussi. Quelques scènes sont magistrales car très bien amenées et pensées. Je pense à celle de la citerne, pendant laquelle les révoltés font face à de vrais adversaires, armés, impliqués et motivés par je ne sais quelle force occulte. La porte s'ouvre, ils apparaissent. On les découvre au ralenti, cagoulés et munis de hachettes. La boucherie n'est pas loin. L’apesanteur non plus. Puis il y a l'épisode du tunnel et des masques infrarouges. Brillant. Le nouvel an, les icebergs, la punition par congélation, tout ça. Par ailleurs, les décors (intérieur et extérieur) sont très réussis. C'est très beau, tout comme le dentier de Tilda Swinton...


Par contre, tout n'est pas montré. Quelques détails ont même pu être oubliés, qui sait.. Où sont les vaches et les animaux en général? On nous montre les poissons et les sushis qui vont avec mais rien de plus. Des wagons ont-ils été zappés volontairement? La bande-dessinée est-elle davantage exhaustive?
On se demande aussi pourquoi la classe privilégiée ne tique pas une seconde lorsqu'elle croise les "méchants" pauvres. Pas de surprise, pas de peur, et ce malgré la propagande très "nord-coréenne" dont ceux-ci sont l'objet.

Quelques incohérences qui, cependant, n'enlèvent rien à ce film très intéressant. À voir.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire