vendredi 16 mai 2014

Rosetta (Jean-Pierre Dardenne, Luc Dardenne)

Ce film renvoie avant tout à une ambiance, à une sensation. C'est crade et froid. Le soleil ne se montre jamais, comme étouffé par une triste et épaisse couche grise. On est mal à l'aise, pas de sourire, le récit est dur et sans charme. On tremble, comme Rosetta (Émilie Dequenne). On a faim, mais moins qu'elle.
Elle vit au camping, dans un mobile home en fin de vie, aux côtés d'une mère alcoolique à peu près dans le même état. L'isolation est merdique, le gérant est un porc qui coupe l'eau sans prévenir, au moindre retard de paiement. Rosetta n'a pas le choix.

La démerde plus que la pauvreté. Elle est organisée et débrouillarde. Elle est fière surtout. Elle veut s’en sortir seule et ne tendra jamais la main, car ça fait mendiant... Question de principe. Et, en attendant d'avoir la vie normale dont elle rêve, elle fait au mieux. Elle piège quelques truites et, les bons jours, parvient à fourguer les fringues que sa mère a récupérées puis raccommodées. Ses journées sont bien chargées et rarement paisibles. Elle vit au camping mais passe ses journées en ville et se bat pour qu'on lui laisse une chance. Elle démarche les patrons, fait du porte à porte. C'est une battante, qui ne perd pas de temps avec la politesse ou autres effets de style. Elle est directe, sèche, et ne s'excuse jamais. T'as du boulot pour moi, super. T'as rien, je t'emmerde.


La période est difficile. Elle n'arrive pas à garder le moindre job. Il y a toujours quelque chose qui cloche. Soit elle tombe sur un salaud qui la vire sans raison, soit c'est un problème de timing.
Il y a bien ce jeune vendeur de gaufre... Il a l'air d'avoir envie de l'aider, en plus de la sauter. Mais elle est loin de tout ça. Elle veut du taf et, encore une fois, n'a besoin de personne pour y arriver. Elle tient à son indépendance. Mais c'est de plus en plus dur, rien ne va, elle tourne mal et commence sérieusement à broyer du noir. Éliminer la concurrence? Peut-être. Se mettre définitivement hors jeu et gagner la paix? Peut-être aussi. Les mauvaises idées s'accumulent. Le film se durcit encore un peu.


Émilie Dequenne, pour son premier rôle au cinéma, décrocha le prix d'interprétation féminine à Cannes. On connaît sa carrière et son talent. Un parcours d'autant plus admirable maintenant que je sais d'où elle vient. Un rôle en or certes, mais a priori indélébile, à l'image de Katie Jarvis dans Fish Tank, de Stéphanie Sokolinski pour Dans les Cordes, voire du lien entre Adèle et Kechiche.
Un film fort, déstabilisant et gênant. Un film qui tâche et marque le spectateur avec force et talent.


Hormis les débuts d'une grande actrice, je retiendrai cette humidité, quasiment palpable. La pluie, le temps, le ciel, les chutes dans l'eau, les bottes, la vase, la boue, LA fenêtre du mobile home. Et puis cette scène de fin magnifique où Rosetta trimballe une imposante bouteille de gaz à bout de bras, bien décidée à en finir avec ce calvaire quotidien. Elle en chie vraiment. Et puis, un bruit de mobylette connu..

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