lundi 12 mai 2014

Suzanne (Katell Quillévéré)

Suzanne (Sara Forestier) vit sa vie à toute vitesse. Elle ne s'inquiète de rien, ou presque. On verra ça plus tard... Dans sa tête, c'est un peu : "ceux qui m'aiment prendront mon train"...

Enceinte très tôt d'un inconnu, elle décide toutefois de garder l'enfant ("parce que j'en avais envie"), tout en mettant ses proches quasiment devant le fait accompli. L'incompréhension et la surprise sont totales. Le père (François Damiens), attentionné, gentil, doux, mais un peu absent (il est routier), tombe des nues. Il est avant tout inquiet, et ne peut que constater la dégradation d'une situation déjà pas commode (il élève seul ses deux filles depuis des années). Il faudra un lit de plus, il faudra se serrer, il faudra faire avec, et de toute façon, il faudra aider la gamine. Il est aux petits soins et compréhensif avec elle. Il l'aide. Tout comme la petite sœur, Maria (Adèle Haenel), elle aussi, toujours là pour "protéger" Suzanne.
Des proches adaptables, dévoués, qui, à ce moment là, donnent et acceptent déjà beaucoup.


Et pourtant, une rencontre et un (premier) amour suffiront à emmener Suzanne encore plus loin. Elle repoussera largement les limites de l'intelligible (celles de sa famille, les nôtres). Elle paraît en effet protégée voire imperméabilisée aux conséquences nocives de ses choix. Elle avance avec des œillères et, il est vrai, un certain aplomb. Elle file comme un aigle et semble prête à tout pour vibrer si bien qu'elle lâchera tout pour ce voyou qu'elle connaît à peine (juste assez pour en tomber follement amoureuse) : son job, la maison familiale, et même son gosse. Elle oublie tout et se tire, comme prise de folie. Ni le manque, ni la culpabilité, ni ses proches ne l'arrêteront. Elle veut en profiter et ne se pose pas (ou trop peu) de questions. Peut-être parce que sa mère est partie trop tôt (elle n'avait que cinq ans à l'époque), peut-être parce que son père ne pouvait pas tout faire tout seul, ou peut-être simplement parce qu'elle est juste comme ça, un peu fofolle et totalement imprévisible, on ne sait pas vraiment.

un casting parfait
Elle est à l'ouest en tout cas, complètement déconnectée de la vraie vie. Elle est détachée. Elle crache sur les questions matérielles (si bloquantes pour la plupart d'entre nous). Elle ignore les principes d'une vie posée et acceptable socialement. Tout cela semble (au mieux) secondaire pour Suzanne. Peser le pour et le contre est pour elle un jeu d'enfant surtout quand elle est amoureuse : elle se promène, pense à lui et au bien-être qu'il lui procure puis, un casque sur les oreilles, elle regarde son fils dormir... Les jeux sont faits, rien ne va plus : la vie est simple, le gosse passera après. Elle est impulsive, irréfléchie, profondément rationnelle, égoïste. Elle est vivante.

Et pendant ce temps là, que font les autres? Certains l'attendent désespérément et se morfondent (son père, sa sœur). D'autres, moins patients, moins tolérants, moins armés, et surtout moins habitués, lâchent prise et passent à autre chose (son fils). Suzanne, qui fera un peu de prison, s'en voudra un peu après coup (elle a plongé pour un mec introuvable (même après sa sortie), alors que son fils a été placé dans une famille d'accueil), mais rebondira, comme toujours, guidée par l'amour et la folie. Encore une fois, elle ira là où on ne l'attend pas et surprendra par ses choix et ses excès. 



Un film surprenant, servi par de très bons acteurs (François Damiens rappelle Kad Merad dans Je vais bien, ne t'en fais pas, Sara Forestier est habitée) et une belle musique (un peu dans la veine de ce qu'a pu faire Yodelice pour Blood Ties). Mais un film truffé d'ellipses perturbantes et qu'on aurait tendance à associer à de la flemmardise. Le spectateur passe en effet son temps à interpréter et tenter de comprendre ce qui a bien pu se passer entre deux scènes sans lien apparent. Certes, on parvient malgré tout à recoller les morceaux, plus ou moins, en se raccrochant aux branches et en mettant quelques détails (peut-être importants) de côté. Il n'empêche qu'on a du coup régulièrement l'impression de passer à côté de points essentiels, qu'on imagine volontiers (naïfs) nécessaires à la compréhension du personnage et de ses décisions... On se dit qu'il faut le revoir non pas par pur plaisir, mais juste pour en saisir pleinement le propos.
Quelques scènes intéressantes : quand la petite fille (Maria, jeune) se fait gronder et éclate en sanglots, toutes les scènes avec François Damiens (chez la proviseur, devant la tombe de sa femme, la visite surprise, au tribunal), quand Maria rentre et trouve l'appartement vide.



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