vendredi 6 juin 2014

Police (Maurice Pialat)

"Allez, je vais mettre tout ça au propre"
La première scène est certainement devenue un modèle de réalisme. On pense à Polisse de Maïwenn ou encore au film de Xavier Beauvois, Le Petit Lieutenant. Deux vrais bons films, bourrés d'influences, donc.
Cette scène pose le décor et l'ambiance. C'est tendu; Mangin, le flic (Depardieu), est agressif et impatient. Il veut tout, tout de suite. Le suspect, lui, voit bien qu'il est cerné par les preuves, il doit se mettre à table. Il va le faire, mais au compte-gouttes, question d'ego. Un duel déséquilibré mais passionnant. Une belle entrée en matière.

L'enquête policière est secondaire, pas vraiment travaillée, loin d'un bon Columbo, on s'en fout un peu, sans le reste il serait facile de décrocher. Pialat s'attarde en effet beaucoup plus sur ses personnages, des gens vrais. Les découvrir, puis les contempler... C'est bon.
Mangin est l'un des plus travaillés. C'est une brute. Il est vulgaire, irrespectueux, impatient, difficile à imaginer au calme. L'hyperactivité du personnage a dû plaire à notre Gégé national; un rôle pour lui. Il traite mal les détenus, hommes et femmes, peu importe. Il les claque, les bouscule, les esquinte. Il les harcèle et parvient souvent à les faire pleurer. Il veut les faire cracher, c'est le job. Pour lui, clairement, la fin justifiera toujours les moyens. Le commissariat est son royaume, il y a toujours l'ascendant.
Les interrogatoires s'enchaînent, les coups de téléphone aussi. Pas vraiment de temps mort, c'est dense. 


Et puis, le soir, il rentre chez lui, se balade dans la rue. On pense aux quidams de chez Blier. Sur le chemin, il lui arrive de croiser d'anciens suspects. Il ne les reconnaît presque jamais. Pourtant, il y a de grandes chances qu'il les ait cognés. Il a déjà oublié, le boulot c'est le boulot. Il a cette légèreté, cette inconscience. Il est joyeux aussi, aime les femmes, surtout celles qu'il ne peut pas avoir. Il est veuf et ça le fait chier.

Il rencontre cette jeune fille, la magnifique complice d'un petit dealer de Belleville. Sophie Marceau à dix-huit ans, c'était déjà quelque chose. Une beauté absolue. Bref, il la croise au commissariat et la traite comme les autres. Il lui sourit oui, mais ne l'épargne pas. Elle ne se laisse pas faire, répond aux gifles; elle connaît déjà la combine. Elle aime les terreurs, leur culture, leurs principes. Elle dit par contre ne pas aimer les problèmes mais, au fond, ne semble qu'en chercher.


Au milieu d'une enquête menée au ralenti, Pialat va nous présenter les différents cercles : les voyous, les flics, les femmes (et leur rôle particulier). Difficile de distinguer le flic du voyou parfois. Les frontières sont minces. Le bien, le mal, les putes. Tiens, un avocat du diable, comme on en voit tant maintenant. Des amoureux du fric et du pouvoir, prêts à tout pour aller au bout de leur ambition et palper un peu plus. Le crime, l'argent, les femmes : un pouvoir d'attraction immense. Le flic ordinaire et sa vie minable peuvent s'accrocher... Les milieux s'opposent. Les a priori sont féroces.

Un flic un peu déconnecté, une jeune inconsciente. Ils se cherchent, de loin, puis se trouvent, au terme d'une scène d'anthologie dans une de ces voitures de l'époque. Je ne m'y attendais pas. Là, tous les deux, ils oublient tout le reste, un moment seulement, juste le temps d'être rattrapés par leurs conneries ou leurs principes. Ils sont trop différents. Ils sont déjà un peu bornés, n'ont pas les mêmes projets ni les mêmes rêves, ça ne peut pas marcher, mais c'était fort. Elle s'en fout un peu, elle est jeune et belle, ça lui a plu mais voilà.


Et puis, elle a mille choses à faire et des dizaines de voyous à accompagner, elle n'a pas le temps d'aimer. Pas trop, en tout cas. Lui, a rêvé cinq minutes. C'était son moment de gloire, il est déjà content de l'avoir touchée, de l'avoir eue rien qu'à lui. Ce personnage de Mangin est fabuleux. Rien que pour lui, rien que pour la prestation de Depardieu, je peux oublier le côté vieillot du film, les ronronnements, les quelques mecs qui n'articulent pas, et le revoir encore.

De bons passages : la première scène(l'interrogatoire), la voiture, chez Mangin avec l'avocat (Anconina), les quelques scènes de fin.



Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire