mercredi 9 avril 2014

Nordvest (Michael Noer)

"Perfection à la descente, abjection à la remontée" (réflexion de Brian Flanagan sur le Champagne). Quelques années après R, Michael Noer est de retour et, rassurez-vous, il est toujours aussi pessimiste. Dans R, avec son pote Lindholm, il décrivait l'enfer carcéral danois, avec ses rites, ses clans et sa grande froideur. Implacable. Là, il s'intéresse davantage à l'avant.
On suit en effet le destin tragique de deux frères que la cité Nordvest de Copenhague a déjà pas mal esquintés. Une mère célibataire, une petite sœur, pas une thune, on pense forcément à la famille Vinyard (American History X). On imagine d'ailleurs très bien que les drapeaux nazis puissent être la prochaine étape.
Casper, l'aîné, est le plus débrouillard. Il récupère des bibelots dans les belles villas de la capitale et tente tant bien que mal d'en tirer un bon prix. Il faut dire que Jamal, le receleur (et caïd) du coin, de ce côté là, ne l'aide pas des masses. Il prend même un malin plaisir à l'arnaquer. La petite victoire d'un pauvre type. Mais on sent que ces petites humiliations, régulières, frustrent notre apprenti fantôme. Il est jeune, revanchard et dur. Il encaisse mais n'oubliera pas. Il compte bien, un jour, se faire un nom et obtenir son indépendance. C'est le projet.
Andy, son frère, a priori plus fragile, agit toujours avant de réfléchir si bien qu'il est rarement loin des embrouilles. On le cherche, il répond. Jeune et un petit peu con.
Par la force des choses, les deux vont se retrouver liés à un ancien taulard en pleine réinsertion : trafic de drogues, prostitution. Une terreur.

Cette rencontre, d'abord providentielle, leur permettra "d'exister" : l'argent coule à flots, la drogue est là et gratuite, les soirées, les courtisanes sont comblées. Ils ont tout. Et Jamal ne peut que s'écraser. Trop petit.
Mais, dans un tel film, ce genre de veine ne peut qu'être éphémère. Ici, pas de success story, c'est scandinave. Les gens de ce milieu sont fiers, ont un certain égo; l'envie n'est pas loin, tout comme la jalousie. On rend les coups, on se venge, c'est l'escalade.

Une courtisane qui pose ses règles : pas un mojito pour deux, chéri..
Bien que toujours aussi dur dans son traitement, Michael Noer fait preuve ici d'une certaine délicatesse. Il joue avec le contraste des situations. En alternant les moments de tendresse, doux et liants (les scènes en famille) et ceux plus violents et crus, il nous accompagne, nous dirige lentement vers le drame qui se profile. On sent comme une montée en puissance. Une jolie mise en scène qui a le mérite de poser les enjeux, petit à petit, et parfois même avec une certaine classe. Comme lorsque les deux frères, alors en train de fêter joyeusement l'anniversaire de leur petite sœur, sont interrompus par un sms. Ils se regardent, se fixent même, puis changent totalement de registre : ils enfilent leurs sweats, mettent la capuche, ne regardent plus personne et se dirigent vers la porte. Ils ne sont plus les mêmes. Glaçant.
Les longues scènes liées au meurtre sont elles aussi de belles réussites. Elles rappellent Ken Loach par moments (Looking for Eric). Bon film.


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