dimanche 25 mai 2014

Buffet Froid (Bertrand Blier)

Le style Blier poussé à son paroxysme. Absurde, burlesque et sans espoir. C'est glauque (la Défense, la nuit, les couloirs du métro) et froid (ce satané manteau). Pas de musique d'ambiance, juste le bruit des pas et sa résonance. Pas ou peu de figurants, juste trois fous réunis par le plus grand des hasards dans une tour quasiment vide.



Comme pour Préparez vos Mouchoirs, la première scène est bluffante et donne le ton du film. Alphonse, un chômeur schizophrène (Depardieu), croise un comptable (Serrault) sur le quai du RER. Personne autour, pas de train avant quelques minutes, il s'approche et s'assied juste à côté. Il fixe ce "quidam" longuement, puis lui montre son couteau. Un couteau inquiétant, un mec bizarre qui pose beaucoup de questions, ça ne sent pas bon du tout. Puis ça se calme, il sent qu'il lui fait peur, il ne veut pas pourtant, alors il pose son couteau sur un siège, pas loin, mais à priori hors de portée... Quelques secondes après, le comptable se retourne et ne voit plus le fameux couteau : quelqu'un l'a piqué. Quelqu'un de dangereux et mal intentionné, sans le moindre doute. C'en est trop, il est temps de se tirer. Il saute dans le premier train et fait en sorte de le prendre seul, sans l'autre barge aux cheveux longs.


Scène suivante, sans transition, Alphonse, toujours à errer dans ces couloirs glaçants, compte les clochards endormis avant de reconnaître son nouvel ami comptable, assis, appuyé contre le mur, le couteau dans le bide, en train de crever doucement.
Il rentre chez lui, presque comme si de rien n'était. Juste quelques questions lui passent par la tête. Aurait-il oublié un épisode? L'a-t-il tué? Sa femme, en entendant son histoire, ne semble pas choquée, bien au contraire. Toujours ce détachement. Pour elle, ce n'est pas la nouvelle de la journée de toute façon. Oui, parce que le couple, jusque là seul dans la tour, a enfin un premier voisin, l'inspecteur Morvandieu (Bernard Blier). Un veuf plutôt misanthrope. Alphonse court lui souhaiter la bienvenue, normal, puis, dans la minute qui suit, apprenant qu’il est policier, lui parle du meurtre et de ses doutes. Là non plus, personne ne s'emballe.
Et encore moins lorsque le lendemain, Alphonse apprend que sa femme a été assassinée par un tueur en série (Carmet). Un tueur conscient de son mal, avec quelques remords malgré tout, qui n'a pas d'autre idée que de rendre visite à Alphonse pour se présenter. Tout est normal, le veuf lui fait visiter les lieux et lui paye même un canon.


On parle de violence et de meurtres sans aucun problème, sans aucun tabou. On est entre meurtriers, entre exclus du système, c'est la norme, on peut dire les choses. Et on les dit bien. Un chat est un chat. L'humour noir est là en permanence. Les dialogues sont à déguster. Les situations grinçantes et absurdes s'enchaînent et, encore une fois, ça marche. Ils sont mauvais, odieux, complètement cons, mais nous font clairement marrer. Chaque rencontre, qu'elle finisse par un meurtre ou pas, est réjouissante (mention spéciale au tueur en série, au docteur, et au gars qui se fait peloter en pleine nuit). C'est souvent improbable mais on s'en fiche, on a envie d'y croire, le temps d'un petit film sympa et pas bête. Une jolie comédie noire qui, une nouvelle fois, semble relever du fantasme (les meurtres, le simplisme, les femmes, le sexe).

Un condensé des bonnes répliques : lien Youtube


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