lundi 13 octobre 2014

Les Poings contre les Murs (David Mackenzie)

Souvent comparé à R, ce film va pourtant bien plus loin. Ce n'est pas que violent et froid, c'est plus profond, plus intéressant.
Eric Love (sosie de John Cena) n'a que 19 ans. Il en a bavé. Il a tout fait, tout connu : les foyers, les maisons de correction et maintenant la prison (d'où le terme "Starred up", le titre original du film). Il arrive, précédé d'une sacrée réputation. Il est en effet très violent, imprévisible, impulsif et dangereux. On a abusé de lui, il ne parle pas de sa mère, elle est peut-être morte, on ne sait pas. Son père est bien vivant lui, mais n'a jamais été présent.

Eric est chez lui ici. On dirait, en tout cas. Il débarque, pourtant. Il est organisé, peut se fabriquer une arme en deux minutes. C'est la première chose qu'il fera d'ailleurs : sacrifier sa brosse à dents et son rasoir pour en faire un couteau. Il est prêt et semble savoir ce qui l'attend. Il ne se laissera pas faire, c'est sûr. Il connaît les petits trucs (se savonne le corps pour que les gardes ne puissent pas le saisir,...). Il est assez fier.


En taule, il retrouve son père, Nev. Ils ne se connaissent quasiment pas, se sont à peine croisés. Nev est un des tauliers, il connaît le boss, personne ne l'emmerde. Ça fait un bail qu'il est là. Il ne sortira certainement jamais d'ailleurs, si bien qu'il est devenu pédé. Ça ne se sait pas trop, donc ça va. Eric n'aime pas les pédés, il le dit souvent; sûrement un des seuls trucs que son père lui ait jamais transmis. Il a peur de son père, le seul capable de lui faire fermer sa gueule. Nev lève la voix, Eric baisse les yeux et ne bronche pas, comme terrorisé. L'influence du père. Un père qui, malgré tout, veut bien faire et essaie de se rattraper. Il fait tout pour protéger son fils et lui éviter les ennuis. Il est "mignon", mais à sa façon : il distribue les tartes, insulte et menace tout le monde. Un animal.


Eric, comme son père donc, a de sérieux problèmes psychologiques. Il a besoin d'aide. On l'aide. Peu y croient, mais il participe à des séances dans lesquelles il est censé apprendre à se maitriser, à contenir sa colère, à prendre du recul. Tout un programme. Il est pris en mains par Oliver, le responsable du groupe, un spécialiste de ces questions, un bénévole incroyable, plein de sang-froid. Les autres, aussi atteints, l'acceptent petit à petit. Ensemble, ils travaillent sur leur rage. Ils se chambrent, s'embrouillent, se poussent à bout, puis s’apprivoisent. Ensemble, ils progressent. Ils commencent même à s'apprécier, à s'inquiéter les uns pour les autres (la scène où ils communiquent par un trou de souris est touchante). Certains sont noirs, d'autres non. Ils font plus que se tolérer, pourtant.


Voir Eric se transformer est un beau spectacle. Les séances sont d'une puissance inouïe. C'est fort, bien joué, limite viscéral. On a l'impression qu'ils travaillent vraiment, qu'ils luttent, qu'ils se battent contre leurs démons (si nombreux). Ce groupe fonctionne. Ça prend du temps, mais ça marche. L'envie est là, l'esprit aussi. L'animateur est intelligent, sobre, désintéressé. La scène dans laquelle Nev, voyant son fils changer, tente d'intégrer le groupe est un bijou. Il ne tient pas deux minutes et fait honte à son fils. Il part en insultant tout le monde. Le père ne sera pas sauvé, c'est sûr. Le fils, quant à lui, la tête dans les mains, a déjà un peu gagné.
Cette relation naissante entre un père et son fils ne va pas de soi tout de suite donc. Le décalage est grand, le retard accumulé est énorme. Nev ne sait pas y faire, le lieu et les conditions des retrouvailles ne l'aident pas non plus. Il est dur, bête, bien abîmé, clairement irrécupérable. Il fera ce qu'il sait faire : de la merde. Mais on sent ce petit quelque chose, ce lien.
Le film est dur mais magnifique. C'est froid mais chaud en même temps. C'est puissant d'un bout à l'autre, jusqu'à la dernière scène, jusqu'à la dernière réplique de Nev à son fils : "Proud to be your dad".

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